Tarek Bitar — Wikipédia

Tarek Bitar
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Biographie
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Aydamun (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
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Tarek Bitar (arabe : طارق بيطار, Akkar)[N 1], né en 1974[1], est un juge libanais et président du tribunal pénal de Beyrouth[2],[1] qui est le deuxième juge à diriger l'enquête sur les explosions au port de Beyrouth de 2020, succédant à Fadi Sawwan[2],[1] démis de ses fonctions par la justice libanaise après qu'il eut inculpé deux anciens ministres de négligence dans l'explosion causée par 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium laissées à l'abandon sur le port pendant plus de six ans[2]. Cette révocation est alors contestée par les familles des victimes, qui craignent que le renvoi de Sawwan ne ramène l'affaire à zéro[2],[3].

Tarek Bitar est décrit comme n'ayant aucun parti pris ni affiliation à un parti politique[2],[3].

Le 14 octobre 2021, des manifestations sont lancées par les groupes chiites du Hezbollah et du Mouvement Amal[4] devant le Palais de Justice à l'Est de Beyrouth, exigeant la fin de la magistrature de Bitar, l'accusant d'incompétence[5],[6],[7], au cours desquelles des affrontements militaires éclatent entre eux et l'armée libanaise, et prétendument les partisans des Forces libanaises chrétiennes[8],[9] (voir l'article affrontements de Beyrouth de 2021).

Biographie et carrière[modifier | modifier le code]

Né dans le village d'Aydamun au Akkar[2], il est père de deux enfants et époux de Julie Hakmeh[1].

Il obtient son diplôme en droit de l'Université libanaise et commence sa carrière en tant qu'avocat jusqu'à ce qu'il devienne le seul juge pénal Nord-Liban jusqu'en 2010[1].

Depuis 2017, il préside le tribunal correctionnel de Beyrouth[10],[11].

Enquête sur l'explosion du port de Beyrouth[modifier | modifier le code]

En août 2020, au moment de l'explosion, son nom est proposé en premier par la ministre Marie-Claude Najm pour mener l'enquête (le second nom étant Fadi Sawwan)[1], ce qu'il refuse pour des raisons inconnues, peut-être à cause de pressions politiques[2].

Cependant en février 2021, jouissant d'une réputation de juge intègre[12], il est finalement nommé nouvel enquêteur dans l'enquête sur l'explosion de Beyrouth[3], après la destitution de Fadi Sawwan par le tribunal libanais lorsque les deux ministres qu'il a inculpé de négligence ont demandé que l'affaire soit transférée à un autre juge[2],[3]. Les raisons de son acceptation cette fois-ci restent floues[2].

En septembre 2021, la presse libanaise et la presse internationale rapportent qu'il fait face à de lourdes pressions et entraves politiques, et qu'il a reçu des menaces[13],[14].

Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, s'en prend violemment au magistrat, et quelques heures plus tard, l'enquête est arrêtée[15] : une plainte et une demande de dessaisissement sont déposées contre le juge par Nohad al-Machnouk, ancien ministre soupçonné de « négligence et manquements » dans l'enquête sur l'explosion[16]. Pour les familles des victimes de l'explosion, il s'agit simplement de nouvelles tentatives d'entraver la justice. Les associations de familles des victimes de l'explosion du port de Beyrouth soutiennent en effet le travail du magistrat[17]. La requête est rejetée et Tarek Bitar conserve l'enquête, qui a simplement été suspendue[18].

Le , au moins six personnes sont tuées et plusieurs autres sont blessées à Beyrouth en marge d'une manifestation organisée par le Hezbollah et ses alliés chiites d'Amal demandant le dessaisissement du juge d'instruction Tarek Bitar[19],[20],[21],[11].

Le sur France Inter, le journal de 8h de l'émission Le Sept neuf lui consacre un reportage, signé Aurélien Colly, qui décrit clairement le contexte de l'enquête[22],[23].

Le 5 novembre 2021, le juge Bitar est de nouveau dessaisi de l'enquête, à la suite d'un recours en récusation déposé par l'ancien ministre Youssef Fenianos, qui refuse de comparaître devant lui. Cette fois-ci, les familles de victimes craignent que le juge soit définitivement dessaisi de l'affaire, car la cour d'appel qui doit statuer est présidée par un proche du mouvement Amal de Nabih Berri, allié du Hezbollah[24].

Le , Libnanews, site d'informations en français sur le Liban, qui se déclare né en 2006 d'une initiative citoyenne, explique les obstacles auxquels est confrontée l'enquête :

par l'ampleur du sinistre (200 personnes décédées, 6 000 blessées, 300 000 privées de logement, dégâts estimés entre 10 et 15 milliards de dollars) ;
par le fait que l'origine matérielle de l'explosion est encore sujette à hypothèses ;
par le constat que le port de Beyrouth était un espace où la corruption était généralisée (compromissions, contournement des contrôles, racket...) et pratiquée par la quasi-totalité des partis politiques ;
et par le fait qu'un grand nombre de responsables serait impliqué (à cette date, 33 personnes seraient mises en examen, dont plusieurs anciens ministres)[25].

Fin novembre 2021, le juge Bitar reçoit le soutien du Réseau francophone des conseils de la magistrature judiciaire (RFCMJ)[26], tandis que le collectif féminin Noun lui renouvelle le sien[27].

Début décembre, le recours en dessaisissement est rejeté et le juge peut reprendre l'enquête[28].

En un recours en dessaisissement présenté par d'anciens ministres échoue de nouveau[29],[30].

Deux ans après la catastrophe, devant les obstacles politiques que rencontre le juge Bitar, des experts indépendants des Nations unies et des ONG réclament une enquête internationale[31].

Le , après une suspension de plus d'un an, le juge Bitar reprend l'enquête, et le lendemain il inculpe le procureur général près la cour de cassation ainsi que deux responsables de la sécurité[32].

À l'occasion du troisième anniversaire de l'explosion, un éditorial paru dans L'Orient-Le Jour intitulé « 4-Août : ce qu’on sait, ce qu’on soupçonne... » fait le point des avancées de l'enquête, des questions en suspens, et des présomptions de responsabilité[33].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Son nom est parfois transcrit en français « Tarek al-Bitar » ou « Tariq Bitar ».

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e et f « Tarek Bitar à « L’Orient-Le Jour » : Je ne laisserai pas l’enquête dévier », L'Orient-Le Jour, (consulté le ).
  2. a b c d e f g h et i (en) « Who is Tarek Bitar, the judge who will take over the Beirut port investigation after Fadi Sawwan's removal? », L'Orient Today, (consulté le ).
  3. a b c et d (en) « Judge Tarek Bitar appointed as new lead investigator in Beirut blast probe | News, Lebanon News | THE DAILY STAR », www.dailystar.com.lb (consulté le ).
  4. « Who is Tarek Bitar? Judge heading probe into deadly Beirut Port blast », sur www.aa.com.tr (consulté le )
  5. (en) Kareem Chehayeb, « ‘Political targeting’: Hezbollah chief denounces blast judge », sur www.aljazeera.com (consulté le )
  6. (en) Laila Bassam et Maha El Dahan, « Lebanon's Hezbollah chief, Nasrallah, says blast judge biased, should be replaced », Reuters,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. (en-US) AFP, « Lebanon court dismisses Hezbollah bid to remove Beirut blast judge », sur www.timesofisrael.com (consulté le )
  8. (en-GB) Deutsche Welle (www.dw.com), « Lebanon: Hezbollah, Lebanese Forces trade blame over deadly protests | DW | 14.10.2021 », sur DW.COM (consulté le )
  9. (en-GB) « Tarek Bitar, Lebanon's judge with a grudge| RFI | 14.10.2021 », sur rfi.COM (consulté le )
  10. (ar) « من هو القاضي طارق بيطار »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), موقع محتويات,‎ (consulté le ).
  11. a et b Paul Khalifeh, « Tarek Bitar, le juge qui divise les Libanais » (Biographie et enquête), RFI,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  12. Laure Stephan, « Un nouveau magistrat prend les rênes de l’enquête sur la double explosion du port de Beyrouth : Tarek Bitar reprend le dossier, après l’éviction de son prédécesseur par la Cour de cassation libanaise, sur fond d’interférences politiques », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  13. « Le juge Bitar a été menacé par le Hezbollah », L'Orient-Le Jour,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  14. Marc Daou, « Explosions au port de Beyrouth : qui veut la peau du juge Tarek Bitar ? », France 24,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  15. « Nasrallah, torpilleur en chef de la justice », sur L'Orient-Le Jour, (consulté le )
  16. « Au Liban, nouvelle suspension de l'enquête sur les explosions au port de Beyrouth », sur France 24, (consulté le )
  17. « Vraisemblablement sous la menace, le porte-parole des proches des victimes demande au juge Bitar de se récuser », sur L'Orient-Le Jour, (consulté le )
  18. « Explosion à Beyrouth : le juge chargé de l'enquête ne sera pas dessaisi », sur France 24, (consulté le )
  19. Zeina Antonios (avec vidéo), « Liban : un mort et des blessés lors d'une manifestation à Beyrouth », France 24,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  20. « Au Liban, une manifestation contre le juge qui enquête sur l’explosion au port de Beyrouth dégénère », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  21. Muriel Rozelier, « Tarek Bitar, ce juge qui affronte le système libanais : Par son opiniâtreté, le magistrat qui enquête sur l'explosion du port de Beyrouth en août 2020 attise les haines comme les sympathies dans l'opinion », Le Figaro,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  22. [(fr) France Inter – Replay - Journal 08h00 du 28 octobre 2021 – Reportage sur Tarek Bitar (début = 10:59) (page consultée le 12 novembre 2021)].
  23. Florence Paracuellos et Aurélien Colly, « Journal 08h00 du jeudi 28 octobre 2021 » (Transcription audio), sur www.franceinter.fr, France Inter, (consulté le ) : « C'est un peu David contre Goliath. Un juge réputé pour son impartialité et sa rigueur face à une oligarchie libanaise habituée à l'impunité. Jusqu'à présent, Tarek Bitar, 47 ans, résiste. Protégé 24h/24, il poursuit son enquête, hermétique aux pressions, aux intimidations. Pas une faute de procédure malgré tous les recours tentés contre lui pour gagner du temps. Pas un mot à la presse parce que la notoriété du justicier ne fait pas partie de sa personnalité. Mais sa détermination agace, irrite, inquiète même, les deux grands partis chiites, le Mouvement Amal et le Hezbollah pro-iranien, parce qu'il persiste à vouloir entendre d'anciens ministres issus de leurs rangs ou proches d'eux. Tarek Bitar est devenu la bête noire de certains Libanais. Son enquête serait politisée, ciblée, son agenda dicté par l'étranger, Amérique en tête. Menacé d'être déboulonné, discrédité via les réseaux sociaux, lui, reste imperturbable, même quand le bruit des balles résonne dans Beyrouth, comme à la mi-octobre quand une manifestation réclamant son limogeage a dégénéré en affrontement armé, pour rappeler que l'ordre milicien n'est jamais loin, qu'il est devenu une menace pour la paix civile libanaise, pour le gouvernement aussi, que les ministres chiites veulent quitter s'il n'est pas écarté. »
  24. « Explosions à Beyrouth : après la suspension du juge Bitar, l'amertume des proches de victimes », sur France 24, (consulté le )
  25. Newsdesk Libnanews, « Vers un mécanisme de retrait du juge Bitar? », Libnanews,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  26. Newsdesk Libnanews, « Soutien du Réseau francophone des conseils de la magistrature judiciaire (RFCMJ) au Conseil supérieur de la magistrature du Liban et au juge Tarek Bitar », Libnanews,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  27. Roxana Azimi, « « On sait que vous protégez les coupables, on ne vous lâchera pas » : à Beyrouth, des agitatrices en quête de vérité », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  28. « Bitar de retour en piste », sur L'Orient-Le Jour, (consulté le )
  29. « Nouvel échec d’une tentative de court-circuiter indirectement le juge Bitar », L'Orient-Le Jour,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  30. « Échec du CSM à compléter la composition de l’assemblée plénière », L'Orient-Le Jour,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  31. « Liban : deux ans après les explosions du port de Beyrouth, l'enquête toujours enlisée », France 24,‎ (lire en ligne).
  32. « Explosions au port de Beyrouth : bras de fer entre le juge Bitar et le parquet libanais », sur france24.com, (consulté le ).
  33. Anthony Samrani, « 4-Août : ce qu’on sait, ce qu’on soupçonne... » (éditorial), L'Orient-Le Jour,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Liens externes[modifier | modifier le code]