Thomas Corneille — Wikipédia

Thomas Corneille
Thomas Corneille à l’âge de 81 ans.
Fonction
Fauteuil 14 de l'Académie française
-
Biographie
Naissance
Décès
Formation
Activité
Fratrie
Autres informations
Membre de
Genre artistique
Œuvres principales
Timocrate, Ariane, Le Comte d'Essex

Thomas Corneille, frère cadet du dramaturge Pierre Corneille, est un juriste et auteur dramatique français, né à Rouen le et mort aux Andelys le .

Biographie[modifier | modifier le code]

Claude Lefèbvre : Portrait de Thomas Corneille (vers 1670, musée des beaux-arts de Quimper)

De dix-neuf ans le cadet de son frère Pierre, Thomas Corneille s’appliqua toute sa vie à suivre la voie de son aîné. Il fait ses études chez les Jésuites et, après de brillantes humanités, est, comme son frère, juriste. Il épouse la belle-sœur de Pierre et quitte Rouen pour Paris en même temps que lui, lorsque les triomphes de son frère l’entraînent vers le théâtre.

Il épouse Marguerite de Lampérière, fille d'un notable des Andelys, tandis que son frère Pierre épousera sa sœur Marie (1617-1694). Marie et Thomas ont leur sépulture dans la collégiale Notre-Dame des Andelys.

Comme Pierre, il fait d’abord des comédies, tirées pour la plupart des auteurs espagnols (il s’inspirera du Jodelet astrologue de d'Ouville pour écrire son Feint Astrologue en 1648 et sa Devineresse en 1679) et il réussit même à concurrencer victorieusement Scarron sur le terrain de la comédie burlesque, son Geôlier de soi-même (surnommé quelquefois Jodelet Prince[1] concurrençant victorieusement le Gardien de soi-même de Scarron en 1655).

En novembre 1656, il débute sur la scène tragique avec Timocrate, dont le sujet est tiré du roman Cléopâtre de La Calprenède, et qui connaît un immense succès avec une série ininterrompue de — selon la légende — quatre-vingts représentations[2], la plus longue de tout son siècle. Le héros de cette pièce joue un double personnage : sous le nom de Timocrate, il est l’ennemi de la reine d’Argos, et sous celui de Cléomène, il est son défenseur et l’amant de sa fille. Malgré la vogue immense que connut cette pièce en son temps, elle est tombée dans un profond oubli et n’a jamais reparu sur la scène.

Il écrit, seul ou en collaboration, une quarantaine de pièces de théâtre. À la différence de son frère, il s’appliqua à tous les genres dramatiques dont la pièce à machines (ses pièces à machines Circé (), Le Triomphe des dames (), La Pierre philosophale (), avec la musique de Marc-Antoine Charpentier ont été parmi les plus réussies du siècle), l’opéra et la comédie à intermèdes. Ses trois livrets d’opéra, Psyché (1678), Bellérophon (1679) et Médée (1693) font de lui, avec Philippe Quinault et Jean Galbert de Campistron, un des plus importants librettistes français du XVIIe siècle.

Lui et son coauteur Donneau de Visé[3], reçoivent plus de 6 000 livres pour La Devineresse ou les Faux Enchantements, la plus grosse somme payée à cette période. Enfin, une de ses pièces, Le Baron des Fondrières, eut l’honneur d’être la première à être huée hors de la scène.

En 1677, quatre ans après la mort de Molière, à la demande de sa veuve, Armande Béjart, il met en vers la pièce que Molière avait créée en 1665 sous le titre de Le Festin de pierre (qui sera rebaptisée en 1682 Don Juan ou le Festin de pierre) et il en profite pour édulcorer les passages les plus audacieux (la scène du pauvre, en particulier, disparaît totalement). Ainsi mise à l'affiche du Théâtre Guénégaud sous le même titre (Le Festin de pierre) et sous le nom de Molière (Thomas Corneille ne publiera la pièce sous son nom qu'en 1683 seulement), cette version passera après la fusion des troupes parisiennes à la Comédie-Française en 1680 et sera reprise jusque vers le milieu des années 1840[4].

Thomas Corneille n’avait encore produit ni Le Comte d'Essex ni Ariane, seules tragédies qui soient restées au théâtre, dont Pierre Corneille, adoptant l’enthousiasme public pour les productions de son frère, disait naïvement qu’il aurait voulu les avoir faites. Les deux frères étaient proches et vécurent pratiquement ensemble[5]. Jamais le plus léger mouvement de jalouse humeur ne trouva d’accès dans le cœur de Pierre, qui partageait avec joie la suprématie littéraire avec celui que la faveur du moment semblait asseoir au même rang que lui. De son côté, Thomas, modeste et bon, loin d’accepter les honneurs du parallèle avec son frère, se plaisait lui-même à l’appeler « le grand Corneille ».

Thomas Corneille a souvent été considéré par certains comme quelqu’un qui n’a été remarqué que pour le nom qu’il portait, tandis que d’autres estiment qu’il a eu la malchance d’avoir un frère qui lui faisait de l’ombre, comme il en aurait fait à presque n’importe qui d’autre. Quoi qu’il en soit, modeste, affable, toujours prêt à louer le mérite d’autrui, bienfaisant, religieux sans faste de dévotion, Thomas possédait toutes les vertus de son frère avec plus d’agrément dans l’esprit et plus de grâce dans le monde.

En 1685, il succéda à l’Académie française au fauteuil de son frère mort l’année précédente, et produisit une nouvelle édition des Remarques de Vaugelas en 1687, avant de s’atteler, en 1694, à un Dictionnaire des termes des arts et des sciences en complément du dictionnaire de l’Académie puis à un Dictionnaire universel géographique et historique en 1708. Il avait également produit une traduction complète des Métamorphoses d’Ovide en 1697.

Œuvre dramatique[modifier | modifier le code]

  • Les Engagements du hasard, comédie (1651)
  • Le Feint astrologue, comédie (1651)
  • Don Bertran de Cigarral, comédie (1653)
  • L'Amour à la mode, comédie (1653)
  • Le Berger extravagant, comédie (1654)
  • Le Charme de la voix, comédie (1655)
  • Le Geôlier de soi-même ou Jodelet prince, comédie (1657)
  • Les Illustres ennemis, comédie (1658)
  • Timocrate, tragédie (1657)
  • Bérénice, tragédie (1659)
  • La Mort de l’empereur Commode, tragédie (1659)
  • Darius, tragédie (1659)
  • Stilicon, tragédie (1660)
  • Le Galant doublé, comédie (1660)
  • Camma, reine de Galatie, tragédie (1661)
  • Maximian, tragédie (1662)
  • Pyrrhus, roi d'Epire, tragédie (1665)
  • Persée et Démétrius, tragédie (1665)
  • Poëmes dramatiques 1665
  • Antiochus, tragi-comédie (1666)
  • Laodice, tragédie (1668)
  • Le Baron d’Albikrac, comédie (1668)
  • La Mort d'Annibal, tragédie (1670)
  • La Comtesse d’Orgueil, comédie (1671)
  • Ariane, tragédie (1672)
  • Théodat, tragédie (1674)
  • Le Comédien Poète (1673)
  • La Mort d'Achille, tragédie (1674)
  • Circé, tragédie (1675)
  • Don César d’Avalos, comédie (1676)
  • L'Inconnu, comédie (1677)
  • Le Triomphe des dames (1676)
  • Le Comte d'Essex, tragédie (1678)
  • Psyché (1678), livret
  • Bellérophon (1679), livret
  • La Devineresse ou Les Faux Enchantements (1679), en collaboration avec Donneau de Visé
  • La Pierre philosophale (1681)
  • Le Festin de pierre (1683), mise en vers et adaptation d'après le texte de Molière
  • L'Usurier (1685)
  • Le Baron des Fondrières (1686)
  • Médée (1693), livret
  • Les Dames vengées (1695)
  • Bradamante, tragédie (1696)
Les informations concernant les œuvres suivies de "comédie", "tragédie" ou "tragi-comédie" sont tirées de l'édition Poëmes dramatiques de Thomas Corneille, nouvelle édition, parue chez Gissay en 1738.

Œuvres musicales et littéraires inspirées par Thomas Corneille[modifier | modifier le code]

Éditions[modifier | modifier le code]

Une édition scientifique du théâtre de Thomas Corneille est en cours de publication sous la direction de Christopher Gossip (Classiques Garnier, t. I paru en 2015).

En dehors de cette entreprise, il y a peu d'éditions modernes des pièces de Thomas Corneille. Signalons néanmoins :

  • Le Berger extravagant, éd. Francis Bar, Droz, 1960 ;
  • Timocrate, éd. Yves Giraud, Droz, 1970 ;
  • Stilicon, éd. Christopher J. Gossip, Droz, 1974 ;
  • Timocrate et Ariane dans Théâtre du XVIIe siècle, 2, éd. Jacques Truchet et André Blanc, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1986 ;
  • L'Inconnu, éd. Georges Forestier, dans Aspects du théâtre dans le théâtre au XVIIe siècle : recueil de pièces, Université de Toulouse-Le Mirail, 1986 ;
  • La Devineresse, ou les Faux enchantements, dans Théâtre du XVIIe siècle, 3, éd. Jacques Truchet et André Blanc, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1992 ;
  • Le Comte d'Essex, éd. par Wendy Gibson, University of Exeter Press, 2000 ;
  • Le Festin de pierre, éd. par Alain Niderst, Honoré Champion, 2000 ;
  • La Pierre philosophale, éd. Gaël Le Chevalier et Martial Poirson, Fééries, Université Stendhal-Grenoble no 3, 2006, p. 217-279.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Surnom qui apparaît systématiquement à partir de 1659 dans le Registre de La Grange tenu par le bras droit de Molière.
  2. Sur le site CESAR (Calendrier Electronique des Spectacles de l'Ancien Régime), l'auteur de la note "Durée du succès" fait remarquer que, de novembre 1656 au 31 mars 1657 (date du relâche de Pâques), il y a tout au plus une soixantaine de représentations successives, dans la mesure où, jusqu'à la fondation de la Comédie-Française en 1680, les théâtres parisiens donnaient trois représentations par semaine (http://cesar.org.uk/cesar2/titles/titles.php?fct=edit&script_UOID=174216).
  3. Le fondateur du Mercure Galant, revue à laquelle contribua Thomas Corneille.
  4. Texte intégral : Le Festin de pierre, équipe Molière 21, Paris-IV Sorbonne.
  5. À partir du XVIIIe siècle, les recueils d'anecdotes racontent que Pierre appelait souvent son frère à son secours, lui demandant "de lui envoyer des rimes"...

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) David A. Collins, Thomas Corneille, protean dramatist, Mouton & Co, « Studies in French Literature » ; VII, The Hague, 1966.
  • Myriam Dufour-Maître (dir.), Thomas Corneille (1625-1709). Une dramaturgie virtuose, PURH, 2014.
  • Maria Falska, Le Baroque et le Classique dans le théâtre espagnol et français du XVIIe siècle. Calderon imité par Thomas Corneille, Wydawnictwo, Uniwersytetu Marii Curie-Sklodowskiej, Lublin, 1999.
  • Éliane Fischler, La Dramaturgie de Thomas Corneille, thèse de doctorat, Université de Paris III, 1976.
  • Louis Lapert, Pierre Corneille, ses frères Antoine et Thomas, leur famille maternelle et leurs amis en Pays-de-Caux, Association pour l’animation et la coordination culturelle à Yvetot et dans le Pays de Caux, Yvetot, 1984.
  • Gaël Le Chevalier, La Conquête des publics. Le Théâtre de Thomas Corneille, Classique Garnier, 2012.
  • Gaël Le Chevalier, La Pratique du spectateur. La médiation des regards dans le théâtre de Thomas Corneille, Paris, Classiques Garnier, 2017.
  • (en) Oscar Mandel, Thomas Corneille’s Ariane, Recreated in English, Gainville, University Press of Florida, 1982.
  • (de) Georg Michaelis, Die sogenannten « comédies espagnoles » des Thomas Corneille, thèse, Erlangen, 1913.
  • Jacques Monestier (éd.), Le Festival Corneille. Vingt ans de théâtre à Barentin (1956-1975), Rouen, éditions Médianes, 1994.
  • Thomas Pavel, La Syntaxe narrative des tragédies de Corneille : recherches et propositions, Paris, Librairie F. Klincksieck – Ottawa, éditions de l’Université d'Ottawa, 1976.
  • Gustave Reynier, Thomas Corneille. Sa vie et son théâtre, Genève, Slatkine Reprints, 1970 (1re éd. 1892).
  • Gilbert Sautebin, Thomas Corneille grammairien, thèse présentée à la faculté de philosophie, Imprimerie Stæmpfli & Cie, Berne, 1897 [Genève, Slatkine Reprints, 1968].
  • Louis van Renynghe de Voxvrie, Descendance de Thomas Corneille, accompagnée de divers articles sur le théâtre de Thomas Corneille, Tablette des Flandres, Bruges, 1959.
  • Catherine Cessac, Marc-Antoine Charpentier, Fayard 2004, collaboration avec Thomas Corneille, P. 23, 72, 88, 89, 91, 96, 97, 99, 102, 207, 386, 408, 410,411, 415-416, 453.

Liens externes[modifier | modifier le code]