Traité de Londres (1795) — Wikipédia

« Jay Treaty », 1975

Le traité de Londres de 1795, appelé en anglais le Jay Treaty (d’après le nom de John Jay, président de la Cour suprême des États-Unis) était un traité entre les États-Unis et la Grande-Bretagne signé le . Ce traité a essayé de résoudre certains désaccords qui avaient surgi à la suite de la guerre d'indépendance des États-Unis, malgré le traité de Paris de 1783.

Enjeux[modifier | modifier le code]

Lors de son deuxième mandat, le président américain, George Washington, se concentre sur la politique étrangère. L’urgence de renégocier avec le gouvernement britannique cause l'envoi à Londres de John Jay, le président de la Cour suprême et un spécialiste des traités qui est relativement anglophile. Les Américains veulent traiter d'un certain nombre de points de discorde :

  • Sur le territoire américain dans la région des Grands Lacs, les Britanniques occupaient encore un certain nombre de forts.
  • Les négociants américains voulaient des compensations pour les navires et les marchandises confisqués pendant la guerre d'indépendance.
  • Les États du sud réclamaient des compensations pour les esclaves que les Britanniques leur avaient pris pendant la révolution.
  • Les hommes d’affaires voulaient que les Antilles soient rouvertes au commerce américain.

Les négociations de Jay avec les Britanniques ne sont pas particulièrement un succès.

Certes, les Britanniques acceptent d’évacuer les forts occidentaux et de compenser les propriétaires de navires américains et, en échange, ils reçoivent des Américains le statut commercial de la « nation la plus favorisée ». Cependant, les Britanniques refusent de donner davantage de concessions tant que les États-Unis n'ont pas fourni de compensations aux nombreuses propriétés loyalistes saisies après la guerre d'indépendance. Les Britanniques refusent aussi de permettre le commerce entre les États-Unis et les Antilles notamment pour affaiblir les Antilles françaises.

En plus, le traité ne statue pas sur d'autres désaccords entre les deux nations :

  • L'enrôlement forcé des marins (la presse) de souche britannique par la Royal Navy durant le conflit .
  • la délimitation des lignes frontières dans le Nord-est et dans le Nord-Ouest.

Ces points de désaccord ne sont finalement réglés qu'après la guerre de 1812 lors du traité de Gand.

Péripéties de l'adoption[modifier | modifier le code]

Ce traité a été soumis pour ratification au Sénat américain le . Le , le Sénat a passé une résolution notifiant au président d'amender le traité en suspendant l'article 12, qui concernait le commerce entre les États-Unis et les Antilles.

Les Britanniques ayant envisagé de protéger leur principale source d'approvisionnement en coton, les Antilles, en interdisant les importations de coton américain[1], le Sénat américain refuse cet article 12.

La nouvelle version de l'article 12 prévoit qu'il est interdit de transporter sur un bateau américain du sucre, du coton ou toute autre denrée coloniale vers tout autre pays que les États-Unis[2]. L'idée est toujours de réserver le coton américain aux usines américaines, comme dans la précédente version, mais en permettant à ces dernières de nouer aussi des liens commerciaux avec les producteurs des Antilles. Elle a été jugée pire que la précédente, ce qui a entraîné l'impopularité de Jay[3].

Le , le Sénat ratifie le traité avec la condition que le traité contienne des phrases spécifiques quant à la résolution du sur l'article 12. Le traité est ratifié par la Grande-Bretagne le , et les ratifications ont été échangées à Londres puis proclamées le .

De nombreux Américains sont fort mécontentés par cet accord, et il y a de nombreuses protestations publiques aux États-Unis contre Jay et son traité. Un cri populaire est lancé :

« Maudissez John Jay ! Maudissez tous ceux qui ne maudiront pas John Jay ! Maudissez tous ceux qui ne mettront pas de lumières à leur fenêtre en s’y asseyant toute la nuit pour maudire John Jay. »

— (William Weeks, Building the Continental Empire, p. 23)

Cependant, le conseiller Alexander Hamilton a convaincu Washington que c'était le meilleur traité qui puisse être espéré et Washington accepte de le signer. Cette action pousse Thomas Jefferson, en diplomate international fortement francophile, à commencer à former un groupe actif et ouvertement en opposition à Hamilton et ses associés anglophiles. Le groupe de Jefferson s'appelle « les Républicains » ou encore le parti français à Washington et se nomme plus tard le Parti républicain-démocratique.

De plus, ce traité autorisant la marine britannique à confisquer les marchandises d'origine française transportées sur les navires des États-Unis est la raison de la décision de la Convention thermidorienne de bloquer les bateaux américains dans les ports français et d'autoriser la guerre de course. Cela cause le gouvernement américain à décréter en 1798 la quasi-guerre.

Du côté britannique, le coton de Saint-Domingue ne suffit rapidement plus à satisfaire la « famine de coton » des premiers entrepreneurs du coton, dont les nouvelles machines permettent de multiplier la production cent fois. Après avoir cru pouvoir combattre la révolte noire de Saint-Domingue par le traité de Whitehall de 1794, les Britanniques tentent d'amadouer Toussaint Louverture lors de la convention commerciale tripartite de 1799 et se rendent compte qu'ils ont besoin du coton américain, qu'ils encouragent lors du traité de Londres en acceptant pour les Espagnols la libre circulation sur le sud du Mississippi, ce qui dopera la culture de coton dans le District de Natchez .

Enfin, avant le traité, la taxe à l'importation de coton votée en 1789 par le Congrès américain permet d'encourager le retour sur le sol américain des planteurs de coton des Bahamas en décidant une barrière douanière de 3 cents par livre de coton. Grâce à cette taxe, une variété de coton à poils longs, le Sea Island cotton, cultivée aux Bahamas pendant la guerre d'indépendance par des loyalistes britanniques exilés, est implantée sur le littoral de Caroline du Sud et de Géorgie, d'où elle provient.

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) John Leander Bishop, Edwin Troxell Freedley et Edward Young, A History of American Manufactures from 1608 to 1860..., , 662 p. (lire en ligne), p. 355.
  2. John Jay: Founding Father, par Walter Stahr, page 329
  3. (en) Walter Stahr, John Jay : Founding Father, , 482 p. (ISBN 978-0-8264-1879-1, lire en ligne), p. 341.