Transformation de Fourier — Wikipédia

Portrait de Joseph Fourier.
Transformée de Fourier
Type
Nom court
(en) FTVoir et modifier les données sur Wikidata
Nommé en référence à
Décrit par
ISO 80000-2:2019 Quantities and units — Part 2: Mathematics (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Aspect de
Formule
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En mathématiques, plus précisément en analyse, la transformation de Fourier est une extension, pour les fonctions non périodiques, du développement en série de Fourier des fonctions périodiques. La transformation de Fourier associe à toute fonction intégrable définie sur ℝ et à valeurs réelles ou complexes, une autre fonction sur ℝ appelée transformée de Fourier dont la variable indépendante peut s'interpréter en physique comme la fréquence ou la pulsation.

La transformée de Fourier représente une fonction par la densité spectrale dont elle provient, en tant que moyenne de fonctions trigonométriques de toutes fréquences. La théorie de la mesure ainsi que la théorie des distributions permettent de définir rigoureusement la transformée de Fourier dans toute sa généralité, elle joue un rôle fondamental dans l'analyse harmonique.

Lorsqu'une fonction représente un phénomène physique, comme l'état du champ électromagnétique ou du champ acoustique en un point, on l'appelle signal et sa transformée de Fourier s'appelle son spectre.

Transformation de Fourier pour les fonctions intégrables[modifier | modifier le code]

Définition[modifier | modifier le code]

La transformation de Fourier est une opération qui transforme une fonction intégrable sur ℝ en une autre fonction, décrivant le spectre fréquentiel de cette dernière. Si f est une fonction intégrable sur ℝ, sa transformée de Fourier est la fonction donnée par la formule[1] :

.

Conventions alternatives[modifier | modifier le code]

Il est possible de choisir une définition alternative pour la transformation de Fourier. Ce choix est une affaire de convention dont les conséquences ne se manifestent (en général) que par des facteurs multiplicatifs constants. Par exemple, certains scientifiques[Lesquels ?] utilisent ainsi[réf. nécessaire] :

avec t en secondes et ν la fréquence (en hertz).

Certains utilisent (pour des raisons de symétrie avec la transformation de Fourier inverse) la transformation suivante[2] :

avec t en secondes et ω la pulsation (en radians par seconde).

Cette définition n'est cependant pas adaptée au traitement des produits de convolution : à cause du facteur , on a , à moins d'introduire un tel facteur dans la définition du produit de convolution.

L'ensemble de départ est l'ensemble des fonctions intégrables f d'une variable réelle x. L'ensemble d'arrivée est l'ensemble des fonctions d'une variable réelle ξ. Concrètement lorsque cette transformation est utilisée en traitement du signal, on notera volontiers t à la place de x et ω ou ν à la place de ξ qui seront les variables respectives de temps et de pulsation ou de fréquence. On dira alors que f est dans le domaine temporel, et que est dans le domaine fréquentiel.

En physique, la transformation de Fourier permet de déterminer le spectre d'un signal. Les phénomènes de diffraction donnent une image de l'espace dual du réseau, ils sont une sorte de « machine à transformation de Fourier » naturelle. Pour ces applications, les physiciens définissent en général la transformation directe avec un facteur et la transformation de Fourier inverse avec le même préfacteur.

La notation peut aussi être remplacée par F(ƒ) ou TF(ƒ). Dans cet article, on utilisera exclusivement la première notation.

Il est également d'usage dans certaines communautés scientifiques de noter f(x) pour la fonction de départ et f(p) pour sa transformée, faisant ainsi correspondre à x, y, z les variables duales p, q, r. Cette notation est conforme à l'interprétation physique inspirée par la mécanique quantique : dualité entre position et quantité de mouvement. Cette notation n'est pas retenue ici.

Extension de la transformation de Fourier[modifier | modifier le code]

Le cadre le plus naturel pour définir les transformations de Fourier est celui des fonctions intégrables. Toutefois, de nombreuses opérations (dérivations, transformation de Fourier inverse) ne peuvent être écrites en toute généralité. On doit à Plancherel[réf. nécessaire] l'introduction de la transformation de Fourier pour les fonctions de carré sommable, pour lesquelles la formule d'inversion est vraie. Puis la théorie des distributions de Schwartz, et plus particulièrement des distributions tempérées permit de trouver un cadre parfaitement adapté.

On peut généraliser la définition de la transformation de Fourier à plusieurs variables, et même sur d'autres groupes que le groupe additif ℝn. Ainsi, on peut la définir sur le groupe additif ℝ/ℤ, c'est-à-dire sur les fonctions de période 1 — on retrouve ainsi les séries de Fourier —, et plus généralement sur des groupes localement compacts, pas nécessairement commutatifs, et en particulier sur des groupes finis. Ces définitions font intervenir les groupes duaux, ainsi que la mesure de Haar.

Propriétés de la transformation de Fourier[modifier | modifier le code]

Fonction Transformée de Fourier
Linéarité
Contraction du domaine
Translation temporelle
Modulation dans le domaine temporel
Produit de convolution
Produit
Dérivation dans le domaine temporel

(voir conditions ci-dessous)

Dérivation dans le domaine fréquentiel
Symétrie réelle et paire réelle et paire
réelle paire (à symétrie hermitienne)
réelle et impaire imaginaire pure et impaire
imaginaire pure et paire imaginaire pure et paire
imaginaire pure et impaire réelle et impaire
Forme gaussienne gaussienne
  • La contraction dans un domaine (temporel, spatial ou fréquentiel) implique une dilatation dans l'autre. Un exemple concret de ce phénomène peut être observé par exemple sur un tourne-disque. La lecture d'un 33 tours à 45 tours par minute implique une augmentation de la fréquence du signal audio (a > 1), on contracte le signal audio dans le domaine temporel ce qui le dilate dans le domaine fréquentiel.
  • Si la fonction f est à support borné (c.-à-d. si ) alors est à support infini. Inversement, si le support spectral de la fonction est borné alors f est à support non borné.
  • Si f est une fonction non nulle sur un intervalle borné alors est une fonction non nulle sur et inversement, si est non nulle sur un intervalle borné alors f est une fonction non nulle sur .
  • La transformée de Fourier de f est une fonction continue, de limite nulle à l'infini (théorème de Riemann-Lebesgue), notamment bornée par
.
  • Par changement de variable on trouve des formules intéressantes lorsqu'on effectue une translation, dilatation du graphe de f.
  • Supposons que la fonction soit intégrable ; alors on peut dériver la formule de définition sous le signe d'intégration. On constate alors que la dérivée est la transformée de Fourier de g.
  • Si f est localement absolument continue (c.-à-d. dérivable presque partout et égale à « l'intégrale de sa dérivée ») et si f et f ' sont intégrables, alors[3] la transformée de Fourier de la dérivée de f est .

On peut résumer les deux dernières propriétés : notons D l'opération

et M la multiplication par l'argument :

.

Alors, si f satisfait des conditions fonctionnelles convenables, et .

On s'affranchira de ces conditions fonctionnelles en élargissant la classe des objets sur lesquels opère la transformation de Fourier. C'est une des motivations de la définition des distributions.

Transformation de Fourier inverse[modifier | modifier le code]

Si la transformée de Fourier de f, notée , est elle-même une fonction intégrable, la formule dite de transformation de Fourier inverse, opération notée , et appliquée à , permet (sous conditions appropriées) de retrouver f à partir des données fréquentielles :

.

Cette opération de transformation de Fourier inverse a des propriétés analogues à la transformation directe, puisque seuls changent le coefficient multiplicatif et le –i devenu i.

Dans le cas des définitions alternatives, la transformation de Fourier inverse devient :

Définition en fréquence : .
Définition en pulsation : .

Extension à l'espace ℝn[modifier | modifier le code]

Notons x∙ξ le produit scalaire canonique dans ℝn :

.

Si f est une fonction intégrable sur ℝn, sa transformée de Fourier est donnée par la formule :

.

Si A est une isométrie linéaire directe, . Il en résulte que la transformée de Fourier d'une fonction radiale est radiale.

Si la transformée de Fourier de f est elle-même une fonction intégrable, on a alors la formule d'inversion :

.

Par conséquent, la transformation de Fourier de L1 dans C0 est injective (mais pas surjective).

Transformation de Fourier pour les fonctions de carré sommable[modifier | modifier le code]

Extension de la transformation de L1∩L2 à L2[modifier | modifier le code]

Le théorème de Plancherel permet de donner un sens à la transformée de Fourier des fonctions de carré sommable sur ℝ.

On commence par un premier résultat préparatoire.

Lemme — Soit h une fonction complexe deux fois continûment dérivable sur ℝ, qui vérifie l'estimation

(où C est une constante),

et dont les deux premières dérivées sont intégrables. Ceci implique que la transformée de Fourier est bien définie et de carré intégrable. De plus, on a l'identité :

.

Une fois démontrée dans le lemme ci-dessus la formule de Plancherel pour une classe de fonctions suffisamment régulières, on étend par densité la transformation de Fourier à tout L2(ℝ).

On a ainsi le théorème de Plancherel :

Théorème de Plancherel —  Soit f une fonction complexe sur ℝ et de carré sommable. Alors la transformée de Fourier de f peut être définie comme suit : pour tout p entier, on pose

La suite des transformées de Fourier converge dans L2(ℝ), et sa limite est la transformée de Fourier , c'est-à-dire

.

De plus, on a l'identité :

.

De façon similaire, si l'on pose , les gp convergent en moyenne quadratique vers f.

Ainsi la transformation de Fourier-Plancherel définit un automorphisme intemporel de l'espace L2, qui est une isométrie, à condition de faire un changement d'échelle si l'on utilise la notation en pulsation

.

En physique, on interprète le terme figurant sous l'intégrale comme une densité spectrale de puissance.

La définition de la transformation de Fourier-Plancherel est compatible avec la définition habituelle de la transformée de Fourier des fonctions intégrables. Sur l'intersection L1(ℝ)} ∩ L2(ℝ) des domaines de définition, on montre à l'aide du théorème de convergence dominée de Lebesgue que les deux définitions coïncident.

La transformation vue comme opérateur de L2(ℝ)[modifier | modifier le code]

Remarque : ce paragraphe utilise la définition fréquentielle de la transformée de Fourier, pour des raisons d'isométrie.

Nous venons de voir que la transformation de Fourier induit sur l'espace de Hilbert L2(ℝ) un opérateur linéaire. Nous en récapitulons ici les propriétés :

  • est un opérateur unitaire de L2. Il s'agit en particulier d'une isométrie. On retrouve le premier fait, connu sous le nom de formule de Parseval, affirmant que pour toutes fonctions f, g ∈ L2(ℝ),

et en particulier le deuxième fait, connu sous le nom de théorème de Plancherel  ;

,Hn(x) sont les polynômes d'Hermite « probabilistes », qui s'écrivent . Avec ces notations, la formule suivante récapitule la situation . On retrouve la gaussienne comme première fonction d'Hermite. Ces fonctions appartiennent à la classe de Schwartz .

Lien avec le produit de convolution[modifier | modifier le code]

La transformation de Fourier a des propriétés très intéressantes liées au produit de convolution. On rappelle que (d'après l'inégalité de Young pour la convolution) :

  • si , alors et  ;
  • si et , alors et  ;
  • si , alors et .

Ainsi :

  • si , alors  ;
  • par densité, cette égalité tient encore si et  ;
  • Si , alors  ; de plus, l'égalité est vraie si .

Principe d'incertitude[modifier | modifier le code]

Remarque : ce paragraphe utilise la définition fréquentielle de la transformée de Fourier.

On peut remarquer que les répartitions d'une fonction et de sa transformée de Fourier ont des comportements opposés : plus la masse de f(x) est « concentrée », plus celle de la transformée est étalée, et inversement. Il est en fait impossible de concentrer à la fois la masse d'une fonction et celle de sa transformée.

Ce compromis entre la compaction d'une fonction et celle de sa transformée de Fourier peut se formaliser par un principe d'incertitude en considérant une fonction et sa transformée de Fourier comme des variables conjuguées par la forme symplectique sur le domaine temps-fréquence : par la transformation canonique linéaire, la transformation de Fourier est une rotation de 90° dans le domaine temps–fréquence qui préserve la forme symplectique.

Supposons f intégrable et de carré intégrable. Sans perte de généralité, on supposera f normalisée :

.

Par le théorème de Plancherel, on sait que est également normalisée.

On peut mesurer la répartition autour d'un point (x = 0 sans perte de généralité) par :

.

De même pour la fréquence autour du point  :

.

En probabilités, il s'agit des moments d'ordre 2 de |f|2 et de .

Le principe d'incertitude dit que si f(x) est absolument continue et que les fonctions x·f(x) et f′(x) sont de carrés intégrables, on a alors[4] :

.

Cette inégalité est aussi connue sous le nom d'inégalité de Heisenberg-Gabor ou simplement inégalité de Heisenberg par son utilisation répandue en mécanique quantique.

L'égalité n'est atteinte que pour (alors ) pour σ > 0 arbitraire et C1 telle que f est L2–normalisée, soit, si f est une fonction gaussienne (normalisée) centrée en 0 et de variance σ2, et sa transformée de Fourier est une gaussienne de variance σ–2.

Transformation de Fourier sur l'espace de Schwartz[modifier | modifier le code]

L'espace de Schwartz est l'espace des fonctions f de classe C sur , telles que f et toutes ses dérivées soient à décroissance rapide. C'est un sous-espace vectoriel de L1, donc pour lequel la transformée de Fourier est définie. Ces fonctions sont à la fois temporellement et fréquentiellement à décroissance exponentielle. L'intérêt de la classe de Schwartz résulte de la propriété d'échange entre régularité et décroissance à l'infini qu'opère la transformée de Fourier.

  • Toute fonction de Schwartz est de classe C avec des dérivées toutes intégrables. On en déduit que sa transformée de Fourier est à décroissance rapide.
  • Toute fonction de Schwartz est à décroissance rapide. On en déduit que sa transformée de Fourier est de classe C.

Ainsi, on visualise intuitivement pourquoi l'espace de Schwartz est invariant par transformation de Fourier. Cet espace est donc très commode pour l'utilisation de cette dernière. De plus, l'espace de Schwartz est dense dans L1 et dans L2, et pourrait donc servir de base pour la définition de la transformation de Fourier sur ces espaces.

Formule d'inversion de Fourier sur  — 

La transformée de Fourier induit un automorphisme bicontinu de l'espace de Schwartz sur lui-même, dont l'inverse est défini par
.

Remarque : cette formule dépend de la convention choisie pour la transformation de Fourier dans l'espace des fonctions. Elle est valide pour une transformation de Fourier exprimée dans l'espace des fréquences, dont la définition utilise .