Archevêché d'Ohrid — Wikipédia

L’archevêché médiéval d’Ohrid.
La cathédrale Sainte-Sophie d'Ohrid, siège de l’Église orthodoxe macédonienne.

L’archevêché d'Ohrid, connu aussi comme archevêché bulgare d'Ohrid, originellement dénommé "archevêché de Justiniana Prima et de toute la Bulgarie", est une ancienne juridiction ecclésiastique des Balkans.

Histoire[modifier | modifier le code]

Au temps de Justinien, les Balkans occidentaux étaient rattachés à l’Église de Rome au sein de la Pentarchie[1]. Au Xe siècle, un archevêché de langue liturgique slavonne[2], dont le siège était à Preslav, est érigé en en 927 en Patriarcat à la fin du règne du tzar bulgare Siméon Ier : sa juridiction s’étendait aux terres serbes, bulgares et valaques[3].

Un demi-siècle plus tard, en 976, alors que les Byzantins ont repris le contrôle des Balkans orientaux avec Preslav, la Mésie, la Scythie mineure et la Thrace, le tzar Samuel Ier contrôle encore la Macédoine ainsi que l’ouest de l’actuelle Bulgarie et des régions d'Albanie, de Serbie et de Grèce[4] : il obtient, avec l’accord du pape, de créer un Patriarcat à Ohrid[5]. Mais peu après, son armée est sévèrement battue en 1014, et en 1018, Ohrid est prise à son tour par l’empereur byzantin Basile II[6].

Celui-ci, soucieux d’intégrer en douceur les Slaves à son empire, annule la titulature de Patriarcat d’Ohrid qui redevient archevêché, mais lui accorde l’autocéphalie auparavant dévolue à Preslav[7], ce qui en fait de facto une église nationale des slaves au sein de l’Empire byzantin[8]. En 1054, lors de la séparation des Églises d'Orient et d'Occident, l’archevêché d’Ohrid choisit l’orthodoxie et l’obédience du patriarcat de Constantinople[9].

Après la conquête ottomane (fin du XIVe siècle) les Turcs instaurent le système des « millets » (communautés religieuses) : le « millet » orthodoxe n'est dirigé que par le patriarcat de Constantinople, tandis que les patriarcats bulgare et serbe sont abolis, respectivement en 1393 et en 1459. Seul l'archevêché d'Ohrid est maintenu et conserve des droits, qui lui permettent de devenir le second plus grand centre orthodoxe des Balkans (après Constantinople), avant la restauration du patriarcat de Peć en 1557[10].

En 1767, à la veille de la guerre russo-turque de 1768-1774, l’archevêché d’Ohrid a été aboli à son tour, de manière non canonique sur ordre du sultan ottoman Moustafa III craignant les visées du projet grec de l’impératrice Catherine II[11].

Héritage[modifier | modifier le code]

Le souvenir prestigieux de cette église nationale balkanique a contribué à nourrir au XIXe siècle, dans le contexte du « printemps des peuples », les renaissances culturelles et politiques bulgare, serbe et hellénique[12]. Aujourd’hui cinq juridictions sont héritières des anciens territoires de l’archevêché d’Ohrid : le patriarcat œcuménique de Constantinople en Grèce du Nord, l’Église orthodoxe serbe en Serbie, l’Église orthodoxe bulgare en Bulgarie, l’Église orthodoxe roumaine en Roumanie, tandis qu’en Macédoine du Nord un conflit oppose l’archevêché macédonien d’Ohrid à l’archevêché serbe d’Ohrid[13].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. On peut le voir ici [1].
  2. Le slavon liturgique semble basé sur un parler slave méridional des environs de Thessalonique dit « de Nikopol-Zarovo » considéré par les linguistes comme la base du premier alphabet slave glagolitique, et également langue slave littéraire et langue liturgique de l’Église orthodoxe dans l’ensemble des Balkans et dans les principautés danubiennes : cf. ЦЪРКВА И ЦЪРКОВЕН ЖИВОТ В МАКЕДОНИЯ.
  3. Britannica
  4. Hans-Etich Stier (dir.), Grosser Atlas zur Weltgeschichte, ed. Westermann, Brauschweig 1988, (ISBN 3-14-100919-8), p. 56 et 61
  5. (en) Stojan Saveski, « Samuel's Empire, History of Ohrid », Ohrid.org (Open Society Institute Macedonia) (consulté le )
  6. Valentina Georgieva et Sasha Konechni, Historical Dictionnary of the Republic of Macedonia, Scarecrow Press, 1998, p. 9
  7. (en) Timothy E. Gregory, « Fin de l'empire de Samuel », dans A History of Byzantium, Blackwell, , p. 246
  8. Iordan Andreev, Ivan Lazarov, Plamen Pavlov, (bg) Koj koj e v srednovekovna Bălgarija, Sofia, 1999.
  9. Histoire de l'archidiocèse d'Ohrid
  10. Andrew Rossos, Macedonia and the Macedonians: A History, Hoover Press, 2008, p. 45
  11. Georges Florovsky, Les Voies de la théologie russe, Paris 1937, en français par J.C. Roberti, Desclée de Brouwer Eds., Paris 1991, p.150.
  12. Fernando Claudin, Marx, Engels et la révolution de 1848, éd. F. Maspéro, coll. « Textes à l’appui », Paris, 1980.
  13. En 1958, dans le cadre yougoslave, le Saint-Synode de l’Église orthodoxe de Serbie a accordé l’autonomie à l’Église macédonienne afin de restaurer l’archevêché historique d’Ohrid, et celle-ci est restée en union canonique avec l’Église serbe (Erwin Fahlbusch et Geoffrey William Bromiley, (en) The Encyclopedia of Christianity, Volume 3, p. 381). En 1967, à l’occasion des 200 ans de l’abolition de l’archevêché d’Ohrid, l’Église macédonienne a proclamé unilatéralement son autocéphalie vis-à-vis de l’Église de Serbie. Le Saint-Synode serbe a réagi en condamnant cette décision qu’il considère « schismatique ». En 2002 il institua un exarchat : l’archevêché serbe d’Ohrid, reconnu « canonique » par le Patriarcat œcuménique de Constantinople et les autres églises autocéphales qui forment la communion orthodoxe, tandis que l’archevêché macédonien d’Ohrid est « non canonique » (Fahlbusch et Bromiley, Op. cit.), mais est en revanche le seul reconnu par les autorités de la Macédoine du Nord ([2]).