Rue du Groupe-Manouchian — Wikipédia

20e arrt
Rue du Groupe-Manouchian
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La rue en juin 2021.
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Situation
Arrondissement 20e
Quartier Saint-Fargeau
Début 31, rue du Surmelin
Fin 100-108, avenue Gambetta
Morphologie
Longueur 255 m
Largeur 12 m
Historique
Création 1934
Dénomination 1954
Géocodification
Ville de Paris 4316
DGI 4352
Géolocalisation sur la carte : Paris
(Voir situation sur carte : Paris)
Rue du Groupe-Manouchian
Géolocalisation sur la carte : 20e arrondissement de Paris
(Voir situation sur carte : 20e arrondissement de Paris)
Rue du Groupe-Manouchian
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La rue du Groupe-Manouchian est une voie du 20e arrondissement de Paris, en France, qui débute au 31, rue du Surmelin et se termine au 100-108, avenue Gambetta, à une vingtaine de mètres du métro Saint-Fargeau.

Origine du nom[modifier | modifier le code]

La rue rend honneur au 23 résistants FTP-MOI du Groupe Manouchian-Boczov-Rayman jugés le 17 février 1944 et fusillés par les Allemands au fort du Mont-Valérien quatre jours après, dans le cadre d'une vaste campagne de propagande antisémite d'une semaine, et dont le sort héroïque a inspiré la chanson de Léo Ferré L'Affiche rouge, en 1961[1].

À l'occasion de l'inauguration officielle de la rue, Aragon écrit un poème Strophes pour se souvenir (dans Le Roman inachevé), librement inspiré de la dernière lettre que Missak Manouchian adressa à son épouse Mélinée[2]. Ce poème a été mis en musique en 1959 par Léo Ferré sous le titre L'Affiche rouge et publié dans Léo Ferré chante Aragon, en 1961.

Historique[modifier | modifier le code]

Trois impasses réunies en 1934[modifier | modifier le code]

Cette voie existait déjà depuis un décret du , réunissant l'impasse Fleury (33 mètres, commençant avenue Gambetta) et l'impasse du Progrès (155 mètres, commençant rue du Surmelin) et la voie non dénommée reliant ces deux impasses[3]. Mais elle n'avait pas encore de nom.

Débat du 19 mars 1951[modifier | modifier le code]

Un arrêté du décide de donner un nom à cette impasse[2], en résultat d'une initiative lancée près de quatre ans plus tôt.

Le [4], soit quelques jours après la publication du livre Pages de gloire des 23, le conseil municipal de Paris débat d'une proposition, pour qu'une rue de Paris reçoive le nom « du Groupe Manouchian-Boczov-Rayman ».

Un comité de soutien à cette proposition est porté par Claude Lévy et son frère aîné, l'éditeur d'art Raymond Lévy, père du romancier à succès Marc Lévy. Tous deux ex-combattants FTP MOI de Toulouse, ils travaillent à un recueil de nouvelles sur le sujet. Ils seront soutenus par les conseillers municipaux du 20e arrondissement, Albert Ouzoulias, ex-combattant du « Groupe Manouchian-Boczov-Rayman » et Madeleine Marzin. Cette première proposition n'est pas retenue.

Avancée du projet des frères Lévy[modifier | modifier le code]

Claude Lévy devient le collaborateur d'une figure importante du PCF, le célèbre biologiste Frédéric Joliot-Curie, président du Mouvement de la Paix. Le projet de recueil de nouvelles avec son frère Raymond Lévy aboutit : dix nouvelles reprenant des épisodes authentiques de la Résistance[5]. La première raconte l'histoire de Michel Manouchian et son groupe. Communistes, les deux frères ont rejeté les offres de différents éditeurs pour s'adresser à Louis Aragon, directeur des Éditeurs français réunis, maison liée au PCF, mais il refuse et leur répond : « On ne peut pas laisser croire que la Résistance française a été faite comme ça, par autant d'étrangers. Il faut franciser un peu »[6]. Aragon avait en août 1951 préfacé la réédition d'un livre de lettres de fusillés, déjà paru en 1946, mais prenant la décision d'expurger celles des combattants FTP MOI. Finalement, il accepte de publier le recueil, les deux frères ayant accepté de leur côté sa demande de franciser tous les noms étrangers du Groupe Manouchian-Boczov-Rayman, dont la moitié des combattants sont des Juifs, la plupart ouvriers, la proportion de Juifs atteignant même les trois-quarts dans l'Affiche rouge, les Allemands en ayant fait une composante importante de leur campagne de propagande antisémite baptisée l'armée du crime, qui comporte aussi une brochure dénonçant les Juifs.

Décision du 28 octobre 1954[modifier | modifier le code]

Finalement, le [7], la mairie de Paris vote la réunion des impasses Fleury et du Progrès, dans le 20e arrondissement, en une unique « rue du Groupe-Manouchian »[2].

Lettre de Mélinée Manouchian à Louis Aragon[modifier | modifier le code]

Le , Mélinée Manouchian, installée à Erevan, en République d'Arménie soviétique, écrit à Louis Aragon, alors en voyage de longue durée à Moscou, pour l'informer qu'un recueil de poèmes de son mari, Mon chant, sera publiée en Arménie soviétique et lui demande d'écrire une préface. Elle joint à son envoi la dernière lettre que Missak Manouchian lui adressa[8]. Finalement, c'est le PCF qui passe officiellement commande à Louis Aragon d'un poème pour cette inauguration[9], qui est publié dans L'Humanité le jour-même, sous le titre Groupe Manouchian. Il sera publié aussi un an plus tard sous le titre Strophes pour se souvenir dans Le Roman inachevé, signé par Aragon.

Inauguration du 5 mars 1955[modifier | modifier le code]

Le 5 mars 1955, la « rue du Groupe-Manouchian » est inaugurée par le président du conseil municipal de Paris Bernard Lafay[10].

Elle est située juste en face de chez Alter Mojsze Goldman, père de Jean-Jacques Goldman, chez qui « la foule de camarades » présents à la cérémonie « vient se réunir » ensuite[11], alors qu'une « violente discussion »[11] avait opposé un an plus tôt Alter Mojsze Goldman à un autre militant PCF de sa famille à la mort de Staline à cause du complot des blouses blanches[11].

Pierre Goldman, le fils aîné d'Alter Mojsze Goldman, détaillera cet épisode en 1975, dans Souvenirs obscurs d'un juif né en France[12]. Alors âgé de onze ans, il développe alors une admiration militante pour Marcel Rajman, l'un des trois dirigeants du Groupe Manouchian-Boczov-Rayman qui vient de disparaître du titre du poème d'Aragon et du nom de la rue. Il conserve ensuite en permanence une photo de Marcel Rajman dans son portefeuille[12] et en fera cadeau à son avocat lorsque la Justice l'acquittera, en appel, d'une accusation de double meurtre en 1976[12].

Depuis 1955[modifier | modifier le code]

Le 22 février 1999, au no 49, une plaque commémorative est apposée par la municipalité en hommage au groupe Manouchian[10].

En 2019, la partie basse de la rue est piétonnisée. Les années suivantes, l'association L’affiche verte Manouchian est à l'initiative de l'installation de 23 jardinières, chacune rendant hommage à l'un des résistants du groupe, de la création d'une fresque honorant Mélinée Manouchian et de la mise en place d'un parcours mémoriel jusqu'au passage du Surmelin, où se trouve depuis 2012 une œuvre figurant Missak et les autres membres du groupe[10],[13].

Bâtiments remarquables et lieux de mémoire[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Olga Bancic, la seule femme du groupe, sera décapitée en Allemagne le 10 mai 1944.
  2. a b et c « 80 ans de l'exécution du Groupe Manouchian », mairie20.paris.fr, 14 février 2024.
  3. Jacques Hillairet, Dictionnaire historique des rues de Paris, Les Éditions de minuit, septième édition, 1963, t. 1 (« A-K »), « Rue du Groupe-Manouchian », p. 614.
  4. Table des débats. 1949-1959, p. 121, Hôtel de ville de Paris.
  5. R. & Levy , Une histoire vraie : nouvelles, Les Éditeurs français réunis, Paris, 1953.
  6. J. P. Liégeois, « Censure : Communistes, si vous saviez… », in L'Unité, no 607, p. 4 Parti socialiste français, Paris, 7 juin 1985.
  7. Table des débats. 1952-1955., p. 1776, Hôtel de ville de Paris.
  8. Ivre d'un grand rêve de liberté Poésies. Édition bilingue, aux Editions Points en 2024 [1].
  9. Julien Musso, « Louis Aragon, « Strophes pour se souvenir » », sur reseau-canope.fr (consulté le ).
  10. a b c et d « Rue Manouchian, l’affiche rouge passe au vert », ahavparis.com, consulté le 15 avril 2024.
  11. a b et c Souvenirs obscurs d'un juif polonais né en France, par Pierre Goldman, en 1975, réédité aux Éditions Points, page 34.
  12. a b et c Souvenirs obscurs d'un juif polonais né en France, par Pierre Goldman, en 1975, réédité aux Éditions Points.
  13. « Le 20e arrondissement de Paris honore Missak et Mélinée Manouchian, qui font leur entrée au Panthéon », monpetit20e.com, 16 février 2024.
  14. « Thierry Marx », www.vsd.fr.

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]