Tenseur énergie-impulsion — Wikipédia

Le tenseur énergie-impulsion est un outil mathématique utilisé notamment en relativité générale afin de représenter la répartition de masse et d'énergie dans l'espace-temps.

La théorie de la relativité restreinte d'Einstein établissant l'équivalence entre masse et énergie, la théorie de la relativité générale indique que ces dernières courbent l'espace. L'effet visible de cette courbure est la déviation de la trajectoire des objets en mouvement, observé couramment comme l'effet de la gravitation.

Histoire[modifier | modifier le code]

Le tenseur énergie-impulsion du champ électromagnétique a été écrit, pour la première fois, par Joseph Larmor (-) en dans l'essai qui lui a permis de remporter le prix Adams et qu'il a publié en dans Aether and Matter[1].

En , William Thomson (-) introduit la notion de densité d'énergie électromagnétique[2],[3] ; en , James Clerk Maxwell (-), celle de tension électromagnétique[2],[4] ; en , John Henry Poynting (-) et Oliver Heaviside (-), celle de flux d'énergie électromagnétique[2],[4] ; puis, en , Joseph John Thomson (-), celle de densité de moment électromagnétique[2],[4]. En , Hermann Minkowski (-) réunit ces quatre notions dans un tenseur : le tenseur énergie-impulsion du champ électromagnétique[2]. Ce faisant, il introduit la notion de tenseur énergie-impulsion[5],[6],[7]. Mais il ne l'applique qu'au champ électromagnétique[5]. C'est à Max von Laue (-) qu'est due — semble-t-il — l'usage général du tenseur pour décrire la dynamique de m'importe quel type de matière ou de champ[5] : en , il en donne une décomposition générale[5],[8],[9].

En , Max Planck (-) énonce la propriété d'égalité — à un facteur c2 près — du flux d'énergie et de la densité d'impulsion[5],[10],[11] ; propriété qu'en , Henri Poincaré (-) avait établie dans le cas particulier du champ électromagnétique[5],[12],[13].

Définition[modifier | modifier le code]

  • Tenseur énergie-impulsion pour la matière:

On considère que la matière M qui engendre le champ gravitationnel est un système isolé et en mouvement comme un fluide de poussière avec une vitesse:

Dans ce cas le tenseur énergie-impulsion de la matière est par définition :

= une distribution propre de la matière


Voyons que vaut  :

comme ne contient pas la relation (a) devient :

comme ne contient pas non plus on peut sortir

parmi les il y a un seul quand

or

d'où

soit


La relation (a) nous permet d'injecter dans l'équation tensorielle d'Einstein, il suffit de prendre l'action de la matière suivante:

et la variation par rapport à donne:

c'est-à-dire

Pour l'action du champ gravitationnel on prend:

et la variation donne:

Et le principe de moindre action nous donne:

  • Tenseur énergie-impulsion pour le champ électromagnétique sans charge:

En présence du champ électromagnétique

Dans ce cas le tenseur énergie-impulsion du champ EM sans charge est par définition :


Maintenant calculons  :

comme ne contient pas la relation (b) devient

comme

et

d'où


d'autre part

parmi les il y a un seul quand

et parmi les il y a un seul quand


changeons les indices a=s, b=m, et comme antisymétrique ça donne

d'où


La relation (b) nous permet d'injecter dans l'équation tensorielle d'Einstein, il suffit de prendre l'action suivante:


et la variation par rapport à donne:

c'est-à-dire

Et le principe de moindre action nous donne:


Remarque les tenseurs d'énergie-impulsion possèdent deux propriétés essentielles:

- Symétrique

- Conservatif


On peut vérifier que Tμν est conservatif c'est-à-dire :

Comme ça donne

Or on est dans un système isolé, on a car il y a la conservation de masse (comme dans le cas de conservation de charge )


il nous reste donc

or

mais on a

comme

on peut sortir

or

Plaçons nous dans un repère normal, les gamma sont nuls. Et la matière n'a pas d'interaction avec l'extérieur (système isolé) la vitesse des particules est constante donc il n'y a pas d'accélération .

finalement on a bien :


En présence du champ EM (sans charge) le tenseur énergie-impulsion du champ EM est aussi conservatif.

Interprétation le tenseur énergie-impulsion pour la matière[modifier | modifier le code]

Les composants du tenseur énergie-impulsion.

La composante du tenseur énergie-impulsion est le flux de la composante de la quadri-impulsion[14],[15].

Le tenseur énergie-impulsion peut s'écrire sous la forme d'une matrice 4 × 4 réelle symétrique :

Ce tenseur dérive des flux du quadri-moment (quadrivecteur impulsion-énergie) à travers des surfaces de coordonnée constante.

Les composantes du tenseur énergie-impulsion sont les suivantes :

  • T00 est la densité d'énergie[16],[17],[18]. Elle est positive ;
  • cT0i est la composante i du flux d'énergie[18] à travers la surface unité suivant i[16] ;
  • Ti0/c est la densité de la composante i de l'impulsion relativiste[16],[18] ;
  • Tij est la composante j du flux de la composante i de l'impulsion relativiste[18]. Les composantes Tij sont celles du tenseur des contraintes dans l'espace[17].
  • Par symétrie, {T01, T02, T03 }={T10, T20, T30} et sont donc aussi des densités de moments.
La sous-matrice 3 × 3 des composantes spatiale :

est la matrice des flux de moments. En mécanique des fluides, sa diagonale correspond à la pression, et les autres composantes correspondent aux efforts tangentiels dus à la viscosité.

Propriétés[modifier | modifier le code]

Le tenseur énergie-impulsion est un quadritenseur[19] d'ordre 2[20],[21],[22].

Il est symétrique[20],[23],[17] :

.

Étant symétrique, il ne possède que dix composantes indépendantes[17].

Le tenseur énergie-impulsion est de divergence nulle[20] :

.

Dans le cas d'un fluide parfait, où , en métrique plate, cette condition de divergence nulle redonne l'équation de conservation de la masse en régime permanent : div (ρv) = 0

Dimension et unité[modifier | modifier le code]

En analyse dimensionnelle, le tenseur énergie-impulsion est homogène à une densité (volumique) d'énergie, c'est-à-dire au produit d'une densité d'impulsion par une vitesse[24].

Dans le Système international d'unités, son unité est le joule par mètre cube (J/m3)[24], unité dérivée de l'énergie volumique[25],[26] :

J/m3 = 1 kg m−1 s−2.

Exemples[modifier | modifier le code]

Fluide parfait[modifier | modifier le code]

Pour un fluide au repos, le tenseur énergie-impulsion se réduit à la matrice diagonale diag(ρc^2,-p,-p,-p)ρ est la masse volumique et p la pression hydrostatique.

Énergie noire[modifier | modifier le code]

Placer la constante cosmologique dans le membre de droite de l'équation d'Einstein permet de lui associer un tenseur énergie-impulsion[27] :

.

Cela correspond au tenseur énergie-impulsion d'un fluide parfait dont l'équation d'état est[27] :

.

Si la constante cosmologique est positive, alors le fluide associé est caractérisé par une densité d'énergie positive et une pression exactement opposée[27]. C'est ce fluide, qui ne correspond à aucune forme connue de matière, qui est appelé l'énergie noire[27].

Relativité générale[modifier | modifier le code]

Le vide est, en relativité générale, une région de l'espace-temps où le tenseur énergie-impulsion s'annule[28],[29].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Jones 2017, § 10.7.5, p. 266.
  2. a b c d et e NI 2017, sec. 2, p. 95.
  3. Whittaker 1989, t. II, chap. II, p. 66.
  4. a b et c Whittaker 1989, t. II, chap. II, p. 67.
  5. a b c d e et f Gourgoulhon 2010, p. 626, n. historique.
  6. Gourgoulhon 2010, p. 745, réf. 289.
  7. Minkowski 1908.
  8. Gourgoulhon 2010, p. 741, réf. 243.
  9. Laue 1911.
  10. Gourgoulhon 2010, p. 747, réf. 327.
  11. Planck 1908.
  12. Gourgoulhon, p. 747, réf. 329.
  13. Poincaré 1900.
  14. Barrau et Grain 2016, chap. 5, sec. 5.2, § 5.2.1, p. 81.
  15. Schutz 2022, chap. 4, sec. 4.4, p. 92.
  16. a b et c Barrau et Grain 2016, p. 81.
  17. a b c et d Semay et Silvestre-Brac 2021, chap. 2, § 12.2, p. 260.
  18. a b c et d Semay et Silvestre-Brac 2021, chap. 2, § 12.4, p. 264.
  19. Heyvaerts 2012, chap. 7, sec. 7.6, § 7.6.6, p. 146.
  20. a b et c Barrau et Grain 2016, p. 82.
  21. Semay et Silvestre-Brac 2021, chap. 2, § 12.2, p. 258.
  22. Taillet, Villain et Febvre 2018, p. 721.
  23. Gourgoulhon 2010, p. 625.
  24. a et b Gourgoulhon 2010, § 19.1.1, p. 621.
  25. Pérez 2016, chap. 10, sect. II, § II.8, p. 249.
  26. Dubesset 2000, 1re part., tabl. 4, s.v. énergie volumique, p. 3.
  27. a b c et d Semay et Silvestre-Brac 2021, chap. 12, § 12.3, p. 264.
  28. Hobson, Efstathiou et Lasenby 2009, chap. 8, § 8.6, p. 181.
  29. Penrose 2007, chap. 19, § 19.6, p. 447.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Publications originales[modifier | modifier le code]

Ouvrages d'introduction[modifier | modifier le code]

Manuels d'enseignement supérieur[modifier | modifier le code]

Dictionnaires et encyclopédies[modifier | modifier le code]

Divers[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]